L’art de l’attention : pourquoi tempérer une vie survoltée

Quand avez-vous fait une pause pour la dernière fois ? Délaisser votre téléphone pour passer un agréable moment avec vous-même et faire attention aux moindres petits détails de votre environnement ? Ou bien êtes-vous du genre à être obnubilé par vos appareils, votre emploi du temps et les millions de choses qui vous accaparent ? Votre travail empiète-t-il sur votre vie privée ? Tony Crabbe, psychologue du travail et auteur du livre Plus jamais débordé ! a pris un moment pour discuter avec nous de l’attention et de son importance dans notre monde actuel.

 

Comment croyez-vous que notre société est parvenue à un tel niveau d’affairement ?

 

Le temps constitue le système d’opération central qui régit notre façon de faire. C’est le cas depuis la révolution industrielle. À cette époque, les machines sont entrées en jeu et nous avons subitement eu besoin de coordonner un grand nombre de personnes pour les faire fonctionner à un niveau industriel. De là est né le concept de travail continu.

 

Ce qui est drôle, c’est que le temps n’a de sens que pour la main-d’œuvre disponible sur place, à un moment donné. Ce qui importe vraiment est le niveau d’engagement de ces personnes, ou bien l’envie et la concentration impliquées, contrairement au fait d’être seulement présent. Tous les problèmes rencontrés (les défis de l’ère digitale concernant la transformation, l’adaptation, l’exploration) requièrent actuellement notre attention la plus totale. Le temps n’a plus vraiment de pertinence.

 

Alors, qu’est-ce qui importe ?

 

L’horaire est un facteur difficile à cibler, c’est pour ça que je me concentre sur l’attention. Il existe trois éléments essentiels à prendre en compte concernant l’attention. Le premier consiste à diriger l’attention sur le bon objectif. Le second porte sur l’intensité de votre attention, la qualité de la concentration et la capacité à se concentrer sur ce que l’interlocuteur dit. Et le troisième concerne la durée : le temps de concentration visant un sujet donné. Bien qu’étant profondément concentré, passer d’un sujet à l’autre ne permettrait pas d’accomplir grand chose.

 

D’autres composants ont aussi leur importance, en particulier recouvrer et réactualiser votre attention. Des études ont démontré que les personnes passant des appels ou consultant des messages professionnels le soir présentent un taux de cortisol (hormone du stress) aussi élevé que sur leur lieu de travail. D’un point de vue purement psychologique, les chercheurs en sont arrivés à se demander si être connecté sur son téléphone à la maison pouvait être considéré comme un loisir, car cette activité ne prodigue pas les bienfaits psychologiques d’un réel passe-temps.

 

Que devraient donc faire les gens pour se reposer complètement ?

 

La détox digitale est un bon début : du temps passé loin des appareils. Le facteur physique est à prendre en compte : un sommeil de qualité, la pratique d’un sport et une bonne alimentation. Ensuite, il y a l’implication dans les choses et avec les gens qui nous entourent. Puis le dernier élément est centré sur l’émotion. Et l’émotion représente l’attachement aux personnes qui comptent.

 

Mihaly Csikszentmihalyi est l’auteur de Flow, qui traite de notre état psychologique optimal lorsqu’on est complètement investi dans quelque chose. Cela peut être considéré comme un état de pur bonheur. En psychologie du sport, on parle de la zone. Cet état est plus facilement accessible au travail plutôt que chez soi. Et cela réside dans le fait que nous avons des objectifs et des défis : le travail repousse nos limites et génère une pression qui nous incite à nous améliorer.

 

Tandis qu’à la maison, on allume souvent la télévision ou on se rend sur les réseaux sociaux. L’état psychologique révèle ici une légère dépression. Une étude intéressante a suivi plusieurs scientifiques pendant environ 20 ans. De nombreuses habitudes et intérêts ont été étudiés ; et ce sont les loisirs qui ont fait la différence entre les prix Nobel et ceux qui étaient loin d’en obtenir. Les personnes qui possédaient de réelles passions. Étonnamment, l’alpinisme s’est révélé très populaire parmi les plus performants. Il a été prouvé que les personnes aux loisirs les plus prenants se fatiguent moins vite au travail.

 

Pour revenir à l’attention, où cela peut-il aboutir dans le futur ?

 

Selon moi, le changement majeur va venir des entreprises qui, peu à peu, vont réaliser l’importance de l’attention. Ils commencent à se poser la question : « Que devons-nous donc faire à ce propos ? » Je crois que cela va amener les gens à se concentrer là-dessus. Comment gérer l’attention ? Comment diriger l’attention ? Quels sont les facteurs importants à prendre en compte ?

 

Le point de départ est : « Oh ! L’attention, c’est important ! » La prochaine étape sera de réfléchir à l’attention d’un point de vue plus humain.

 

Sur quoi dirigez-vous donc votre attention ?

 

Quelque chose de surprenant s’est passé. Au fil des années, j’ai pu discuter avec de nombreuses personnes en difficulté, et avec d’autres qui avaient été bouleversées et transformées par mon livre. Il m’a paru évident que mon travail signifiait tout pour moi. Et que j’allai y consacrer le reste de ma vie.

 

​Cet entretien a fait l’objet de révisions par soucis de clarté.

 

Biographie de l’auteur :

Tony Crabbe, psychologue du travail, partage son temps entre l’écriture et le consulting pour de grandes multinationales. En tant que psychologue, son travail consiste à étudier la manière dont les gens pensent, ressentent et se comportent au travail. Que ce soit en collaboration avec des leaders, des équipes ou des organisations, l’essentiel de son travail réside dans une approche différente des choses. Cela amènera à un changement comportemental durable en traitant les problèmes de façon innovante.